Le billet du mois
Avril
« Il est ressuscité! » (Lc 24,34)
par Jacques Sylvestre, o.p.
La nouvelle ne se répandit pas comme un coup de foudre. Même les plus intéressés, les apôtres, n’osaient y croire. Il leur était difficile de savoir, de comprendre et de concrétiser la résurrection. « Quelques femmes sont venues…» rappelaient-ils avec une certaine moue. Sur la route d’Emmaüs, deux disciples cheminaient, traînant leur désespérance : « Il y a bien trois jours qu’il est mort, et personne ne l’a revu depuis…» Et Thomas, l’íncrédule... Hier encore, l’évangile de la Transfiguration concluait : une fois descendus de la montagne, Pierre, Jacques et Jean « se demandaient entre eux ce que voulait dire « ressusciter d’entre les morts. »
En ce 21e siècle, la question demeure sensiblement la même, formulée en d’autres termes : «Y a-t-il quelque chose après la vie ? ». D’aucun ont disserté sur «La vie après la vie », en termes d’illumination, de détente, de paix… Rien de tellement précis. Ces supposés témoins étaient-ils vraiment morts puisqu’il ont repris vie ? Faut-il croire que la résurrection de Lazare se renouvelle quotidiennement ?
Depuis la Résurrection de Jésus, personne n’est venu nous dire comment cela se passerait, dans quel milieu se retrouverait-on et en quelle situation. Il y a bien le purgatoire et l’enfer décrits en termes de feu éternel ou pour un temps. Mais le ciel ! Notre frère, Thomas d’Aquin, dominicain du 14e siècle, grand théologien devant Dieu et devant l’Église, décrivait le bonheur céleste en termes d’obsession, d’idée fixe. Non du genre d’un déséquilibre temporel et mental qui nous afflige parfois et dont nous devenons esclaves, incapables de nous libérer. Pour lui, la réalité pourrait être comparable à une expérience amoureuse qui durerait un instant mais sans fin. Un instant sans fin… Une de ces expériences tellement bien heureuses que nous souhaiterions qu’elle dure indéfiniment. Ò temps suspend ton vol ! s’exclamait le poète. Les bienheureux, ceux que l’Église déclare tels, seront dans la pleine expérience de l’amitié divine, immergés dans un bonheur total. Rien ne manquera à ce bonheur, et seul l’amour et la connaissance le concrétiseront. Nul ne verra le temps passé car nous serons en dehors du temps.
Cet amour, Paul en proclamait la plénitude dans sa Lettre aux Romains, ce même dimanche de la Transfiguration : « Qui nous séparera de l’amour de Dieu. J’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni présent, ni avenir… aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm. 8. 38)
Nulle expérience terrestre n’en peut donner une moindre connaissance, même le ravissement le plus indéfinissable de l’amour humain que rien ne peut jamais repaître complètement. S. Augustin écrivait que les insatisfactions de l’amour humain devenaient une preuve de l’existence de Dieu et de la Résurrection. Cette soif d’immortalité que l’homme ne peut combler appelle une réalisation, une « Vie… après la vie. »