Le billet du mois
Mars 2011
J'avais soif, j'étais malade, étranger… Matthieu 25,35
par Benoît Lacroix, o.p.
Le temps du Carême va cette année du 9 mars au 24 avril. Le temps du printemps. La force du printemps est de convertir l’hiver en temps plus chaud. Le rôle du carême est de convertir nos vies de chaque jour en temps de réflexion, de méditation, de prières et de silence. Quand le printemps vient, les oiseaux reviennent, les outardes passent sur nos villes et campagnes. Sans oublier les oies blanches. Le printemps appelle aussi la lumière, en même temps que le soleil reprend des forces et nous offre des journées de plus en plus longues.
Le carême, tel que pensé par nos ancêtres, comporte des jours jeûne parfois rigoureux, des privations de toutes sortes à la maison, des visites plus fréquentes à l’église paroissiale. Pour les personnes consacrées, la même période propose des retraites, des journées de silence, parfois des nuits à prier, des heures d’adoration et bien d’autres pratiques un peu oubliées aujourd’hui.
Bien entendu, les temps ont changé. Le travail est devenu plus pénible. Une grande partie de nos semaines se passe au travail, parfois de nuit. Un jour le bon Pape Jean XXIII est intervenu et a supprimé les jeûnes violents d’autrefois, jusqu’à réduire les jours obligatoires au Vendredi Saint et au Mercredi des Cendres. Sa raison vaut pour aujourd’hui : la vie est plus difficile aujourd’hui, les gens se fatiguent plus vite. Les façons de jeûner changent. Ce qui est conseillé maintenant est aussi exigeant. Ce n’est pas parce que les fleurs sont plus difficiles à cultiver en ville que le soleil ne continuera pas à nous éclairer. Notre nouveau printemps, celui qui va donner plus de chaleurs à nos esprits et à nos cœurs, consistera à sauver du temps pour penser à Jésus, à ses façons de pardonner, de rendre service, de donner sa vie au jour le jour.
En ce printemps du carême, je m’efforcerai d’être plus aimable, plus souriant. Le carême que Jésus me souhaite est moins celui qui mine mes forces physiques que celui qui ressuscite en moi le goût de pardonner, ou encore de me taire devant la critique des autres, même des gouvernements. Modérer sa langue est souvent plus difficile que de donner de l’argent aux pauvres. Le carême nouveau, comme le nouveau printemps, propose la lumière d’un cœur généreux et des jours plus longs à rendre service, à visiter un malade ou une personne oubliée, à prendre son temps pour écouter une confidence difficile plutôt que donner son temps à la seule écoute de la télévision. De même le temps que tu donnes à une personne souffrante de la maladie de l’Alzheimer est un temps évangélique de gratuité. Tu te souviens de cette consigne de Jésus, selon l’évangile de s. Matthieu : «Ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement.» Ainsi j’ai reçu gratuitement le temps de la vie, l’amour… Je le donne en retour.
En voilà assez, je suppose, pour te dire à quel point ce printemps cosmique t’appelle, là où tu es, à retrouver la lumière du Seigneur et à marcher à sa suite… jusqu’à Pâques.